L’éternel repas
09.04.2024
© Laurent Moynat-Natures mortes de repas de famille/Grande Commande Photojournalisme.
Son père est mort beaucoup trop tôt, pour un homme qui ne lui avait jamais appris à tanguer ; jamais dit que, pour vivre bien, elle devrait être un peu funambule, un peu jongleuse, savoir chuter. Il n’avait pas fait sa belle carrière chez IBM en sinuant, ce descendant de ritals pauvres comme Job : de l’ambition, du travail, des 0, des 1 et voilà tout. Il voulait tanner le cuir de cette enfant hypersensible, toute en larmes faciles et rêves de poésie, plutôt que lui enseigner l’art des équilibres instables, la force du roseau. Lui, c’était plutôt le sarcasme qu’il avait facile ; « pour t’endurcir », disait-il. Rick, comme on l’appelait, a laissé le chantier en plan. Rien, aujourd’hui, ne fait frissonner Sheila davantage que la ballade Crying de Roy Orbi
Sandrine Tolotti